C'est lors d'un voyage en Hongrie que j'ai découvert l'eau en sachet. En promenade dans les rues de Budapest, je croise plusieurs personnes qui transportent des petits sachets plastiques contenant de l'eau. Ma collègue de voyage, qui a auparavant passé un mois au Bénin, m'informe que ces sachets sont très courants en Afrique. Les Béninois et d'autres habitants du continent africain sont paraît-il friands de ce nouveau mode de consommation de l'eau. Chic alors, me dis-je, un nouveau sujet d'article pour mon blog sur le marché des pauvres! De retour en France, je me mets en quête de plus d'information afin de préparer mon texte. Quelle n'est donc pas ma déception quand je tombe, en tapant « eau en sachet » dans le moteur de recherche de Google, sur des articles mettant en garde contre cette nouvelle forme de commercialisation de l'eau! Il semble en effet qu'en Afrique, ce marché présente un gros risque pour le consommateur.
La plupart des eaux en sachet sont commercialisées de manière légale, sous contrôle de l'Etat, et la provenance de l'eau présente ainsi des garanties sanitaires. Mais le problème réside dans la face cachée de ce commerce, à savoir la vente d'eau en sachets au marché noir. Le marché de l'eau en sachet est plus que juteux, et de nombreux « microentrepreneurs » ont repéré le filon et ont investi les rues de Dakar, Douala, Cotonou ou Yaoundé. Revendant environ 50 FCFA un sachet qui en vaut moitié moins, les jeunes qui opèrent dans le commerce de cette eau confessent que la rentabilité est forte. Toutefois, ces revendeurs opèrent souvent en toute illégalité, sans l'agrément de l'Etat, ce qui est me direz-vous une pratique courante en Afrique étant donné la force de l'économie informelle et de la « débrouille ». Mais cela entraîne des risques pour le consommateur. Comme la provenance de l'eau n'est pas contrôlée, il n'est pas rare que des gens tombent malades après avoir bu de l'eau en sachet. Mon amie qui a séjourné au Bénin m'a d'ailleurs parlé de ses collègues qui ont eu des maux d'estomac après avoir consommé des oeufs...et de l'eau en sachet. L'intoxication peut venir des œufs comme de l'eau, mais les articles suivants trouvés dans la presse africaine font pencher la balance pour la deuxième proposition.
http://fr.allafrica.com/stories/200907240399.html
http://www.afrikeco.com/articles/economie.php3?id_article=8437
http://www.syfia.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=4855
Un marché qui est pour l'instant majoritairement l'apanage de revendeurs à la sauvette peut-il intéresser de grandes entreprises?
Jetons tout d'abord un œil au marché de l'eau en Afrique dans son ensemble.
Le marché de l'eau potable
Une partie de ce marché, l'eau potable « du robinet » fait déjà l'objet d'une mainmise des multinationales.
"Ce problème de l’accès à l’eau est le troisième point abordé : l’eau est-elle un bien public ou bien une ressource économique ? Fabriquer de l’eau potable coûte très cher et nécessite des capitaux de plus en plus abondants. Les opérateurs publics se sont donc trouvés confrontés à une forte croissance de la demande alors que leurs moyens diminuaient du fait du gaspillage et de la mauvaise gestion. Les institutions internationales ont exigé la privatisation et trois groupes français contrôlent depuis lors le marché de l’eau en Afrique (filiales de Vivendi, Suez et Bouygues), mais elles ont concentré leur effort sur les marchés solvables et ont donc évincé les plus pauvres alors que les fontaines publiques avaient disparu. Conséquence : une Afrique à " deux débits ", les grandes compagnies ayant favorisé le " magot " (les consommateurs urbains solvables) au détriment du " marigot " (les non solvables)." Extrait d'un article de Catherine LEFRANÇOIS-TOURRET, académie de Versailles à partir d'une intervention de Sylvie Brunel (voir lien pour plus d' infos: http://hgc.ac-creteil.fr/spip/Les-paradoxes-de-l-eau-en-Afrique#outil_sommaire_3) |
Le marché de l'eau en bouteille
Concernant le marché de l'eau en bouteille, il reste pour l'instant peu exploité par les FMNs: les leaders mondiaux de l'eau en bouteille, Nestlé Waters, Danone, sont très peu implantés en Afrique.
Nestlé Waters n'est pas leader dans le marché de l'eau en Afrique, avec une « petite » 2ème place de leader en Afrique du Sud:
http://www.nestle-waters.com/company/key_figures.html
Danone est quant à lui peut implanter, avec une présence majoritaire en Afrique du Nord. Voici la carte de son implantation.
Pourtant, le marché de l'eau en bouteille présente un fort potentiel de croissance, dans des pays où les réseaux de distribution d'eau sont souvent vétustes (et parfois même fournissant de l'eau impropre à la consommation) et dont la capacité s'avère de plus en plus insuffisante pour satisfaire les besoins.
Ainsi, de plus en plus de multinationales s'intéressent au marché africain de l'eau minérale, potentiellement très attractif et rentable. De l'avis de nombreux experts, l'or bleu va faire l'objet d'après batailles commerciales en Afrique.
http://www.afrik.com/article872.html
http://revue-du-commerce-international.info/dossiers/49-bataille-eau
L'eau en sachet, un moyen de percer les marchés?
Alors, quel intérêt peut représenter l'eau en sachet pour des grandes entreprises qui n'ont toujours pas voulu ou réussi à percer un marché somme toute encore jeune?
Pour l'instant on l'a vu, le marché de l'eau en bouteille reste sous le contrôle des compagnies africaines et semble peu intéresser les grandes compagnies internationales de l'eau minérale. Concernant l'eau en sachet, il en va de même puisque ce sont les compagnies nationales des eaux qui tendent à créer leurs unités de production dédiées à l'eau en sachet. Ainsi, au Sénégal, la Société des eaux de consommation du Sénégal (Secosen), en partenariat avec une compagnie belge, a implanté, en 2006, une nouvelle unité de production d'eau en sachet.
Secosen (Société des Eaux de COnsommation du SENégal)
Conditionnement et distribution d'eau potable
Les activités de la SECOSEN consistent en la production, le conditionnement et la distribution d'eau en sachets. L'usine est installée à Thiaroye et produit des sachets depuis octobre 2006. XAGIC, société partenaire installée en Belgique, a monté précédemment une usine similaire au Burkina Faso (à Ouagadougou, en 2003) et au Kenya (à Mombasa, en 2005). Le conditionnement d'eau en sachet permet de mettre à la disposition de la population une eau de qualité à un prix particulièrement bas: les sachets d'eau (40 cl), commercialisés sous la marque BARAJII, sont vendus à 50 FCFA.
Site web: www.durabilis.be
Cependant, l'eau en sachet pourrait sans doute permettre aux grandes firmes multinationales de conquérir rapidement le marché africain de l'eau minérale. Si les grands groupes producteurs d'eau minérale le souhaitait, ils pourraient pénétrer ce nouveau marché, très rentable, avec à terme la possibilité de développer une gamme de produit autour de l'eau en sachet voir en bouteille et ainsi élargir leur clientèle.
L'eau en sachet présente en effet de nombreux avantages qui pourraient faciliter la conquête de nouveaux marchés: faible coûts de production, grande visibilité de la marque du fait du format, facilité de pénétration du fait de l'ancrage fort de ce mode de consommation dans les mentalités du consommateur africain (par rapport à la bouteille par exemple)...
Une nouvelle opportunité commerciale contestable mais salutaire?
D'un point de vue du développement durable, cette approche marketing est, comme celle concernant l'eau en bouteille, largement critiquable. La pollution liée au sachet est, en Afrique comme ailleurs, un vrai fléau que la production d'eau en sachet ne ferait que renforcer.
Toutefois, d'un point de vue sanitaire, les initiatives légales favorisant ce nouveau conditionnant sont perçues comme bénéfiques pour les Africains, puisqu'elle permet d'approvisionner en eau de qualité des populations qui souvent n'ont pas d'accès direct à l'eau potable.
Il semblerait donc que développer un marché de l'eau en sachet à grande échelle, en respectant des normes sanitaires et d'hygiène, permettrait de rendre plus accessible l'eau à de nombreuses couches de la population africaine. Ce défi pourrait grandement intéresser les FMNs (et les intéressent peut-être déjà!), et l'opération pourrait être réplicable dans les pays développés, ou l'habitude de consommer de l'eau en sachet n'est certes pas encore présente, mais pourrait se développer si, comme les experts du GIEC le prédise, les températures et notre soif d'eau continuent de grimper en suivant la même flèche ascendante!
Intéressant
RépondreSupprimerBien dit
SupprimerLe sachet est un manger pour le continent africain. L'afrique n'est pas en mesure de le recycler.
RépondreSupprimerEn consequence les poissons sont pollués de meme que les animaux.
Disons non aux plastiques☠
Danger
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