Le Bangladesh, pays des partenariats innovants entre firmes multinationales et organisations de microcrédit, est le terrain d'une nouvelle innovation protéiforme, expérimentation similaire à d'autres actions déjà connues: il s'agit de l'union entre la Grameen Bank, institution de microcrédit créée par Mohammad Yunus, et BASF, leader mondial de l'industrie chimique, dans une joint-venture nommée BASF Grameen Ltd. L'union a été officialisée le 5 mars 2009.
Après s'être associé à Danone pour donner naissance à la Grameen Danone Food, la Grameen réitère l'expérience en devenant le partenaire du géant allemand de la chimie, en vue de créer un « social business » destiné à améliorer la santé des populations bangladaises en rendant accessible deux produits du portefeuille de BASF: des moustiquaires, pour lutter contre le paludisme, endémique dans cette région; et des sachets de compléments alimentaires contenant vitamines et nutriments pour combattre la malnutrition, elle aussi endémique dans le pays puisque selon un rapport de l'UNICEF, 8 millions d'enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition.
Le rôle des partenaires
BASF va injecter 200 000 € dans le projet, et rendre disponible pour la joint-venture 100 000 moustiquaires et un million de sachets de complément alimentaire.
Pour sa part, la Grameen Bank offre au projet sa connaissance du marché ainsi que des structures et des réseaux de distribution bangladais, qu'elle a déjà mis à la disposition de Danone auparavant. Les réseaux de distribution des deux produits de BASF seront ainsi beaucoup plus étendus que dans une commercialisation classique: dans un premier temps écoles, pharmacies puis, grâce au réseau de la Grameen, épiceries et magasins de vêtements, entre autres... Cette connaissance de la structure de distribution permettra également de vendre les produits via des entrepreneurs divers, agriculteurs en milieu rural ou bien petits commerçants en zone urbaine.
Selon le communiqué de presse de BASF, la Grameen prévoit également de fournir des microcrédits à ses clients afin que ceux-ci puissent créer leur micro-entreprise de distribution de ces produits.
Le PDG de BASF, Jürgen Hambrecht, ne se cache pas de vouloir « conquérir une nouvelle clientèle », et il voit dans ce partenariat un « énorme potentiel » qui offre l'occasion au groupe de faire du pré-marketing sur un nouveau marché « de manière bien moins onéreuse ».
Ce nouveau business model s'appuie encore une fois sur les solutions ingénieuses de Yunus, pour inciter les entreprises à développer des produits adaptés aux besoins des pauvres, dans une logique gagnant-gagnant entre les entreprises et les populations défavorisées.
Une phrase à double sens?
Toutefois, une phrase dans le communiqué de presse de BASF peut semer le doute quand au caractère « social » de ce business:
« Grameen Bank plans to provide microcredits to support people in setting up their own distribution outlets and in funding the purchase of mosquito nets. »
Deux interprétations peuvent être faites de cette phrase:
le microcrédit servira aux distributeurs pour monter leur business et acquérir des moustiquaires qu'ils commercialiseront par la suite. De ce point de vue là, aucun souci puisque cela permettrait aux microentrepreneurs de constituer leur capital et de démarrer leur activité.
mais on peut également comprendre la phrase comme expliquant qu'un microcrédit sera proposé directement aux consommateurs pour qu'ils puissent acheter les moustiquaires. Dans l'éventualité où cette interprétation prévaudrait, on peut remettre en doute le bien fondé du partenariat, puisque la Grameen fournirait alors des microcrédits à la consommation conditionnés à l'achat des moustiquaires de BASF, ce qui éthiquement est largement condamnable.
Selon toute vraisemblance la première interprétation paraitrait plus logique, étant donné le core business même de la Grameen qui est de fournir des microcrédits visant le soutien à la création d'activités génératrices de revenus et non pas destinés à soutenir la consommation. Par précaution, la personne de référence pour ce communiqué de presse a été contactée pour effacer les doutes, et le point d'interrogation disparaîtra du titre de cet article si la première interprétation prévaut.
voir aussi l'article sur Novéthic
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